Instagrammable - Eliette Abecassis - Masse critique Babélio

 Roman 

Editions Grasset - 10 mars 2021 - 192p

Synopsis : Ils sont nés au tournant des années 2000, n'ont pas connu de monde sans téléphone portable. Sacha, Solal, Lou, Léo, Jade... Grands mômes sur le point de devenir adultes, ils croient trouver dans les réseaux sociaux un sens qu'ils ne trouvent plus auprès de leurs ainés. Instagram leur dicte de nouveaux codes, esthétiques et valeurs : influenceurs et influenceuses irriguent leur imaginaire d'horizons chimériques et lointains, quand leur génération croit n'en avoir plus d'autres. Jade l'a compris, qui est elle-même devenue influenceuse. Avec plusieurs dizaines de milliers de followers, elle est l'idole du lycée, mais ne supporte aucune concurrence. Léo, son ex petit-ami va en faire la douloureuse expérience : Jade le charge de séduire Sacha, qu'un garçon lui a préférée... Léo accepte, Sacha se prend au jeu. Mais le cœur de Léo bat ailleurs - il n'a d'yeux que pour Emma, depuis qu'il l'a croisée à la sortie de son lycée. Tous deux n'ont pourtant rien de commun : lui, beau gosse trop gâté, elle, jeune fille issue d'une famille catholique qui passe ses weekends chez les scouts. Face à leur progéniture constamment connectée, certains parents peinent à exercer leur autorité... C'est le cas d'Ariane, la mère de Sacha, et de Jérôme, le père de Léo. Ces deux-là se sont connus plus jeunes sur les bancs de la fac, en des temps désormais lointains, sans écrans ni hashtags...

Ma lecture :

D'autres temps, d'autres siècles, mais toujours ce trio destructeur : amour, jalousie et vengeance. C'est dans cet univers de liaisons dangereuses 2.0 que nous plonge Eliette Abecassis.

Un roman qui fera écho à tous les parents modernes d'enfants ultra-connectés aux réseaux sociaux. Ceux-là mêmes qui ont le pouvoir de vie et de mort virtuelle et sociale sur notre progéniture, influençables, crédules et assoiffés de notoriété basée bien souvent sur du vent. 

Plus jeune et plus d'actualité ce sexe intention vous horrifie, notre regard est extérieur, et nous montre la dérive rapide du système, la surexploitation, l'addiction et le piège qui se referme sur tous quoiqu'on y fasse.

Ces tout nouveaux adultes sont nés avec, un téléphone greffé, x comptes où des millions de photos d'influenceurs éveillent toutes les convoitises, mais aussi le harcèlement, la manipulation, la destruction et la mort de de la réalité.

Sacha ne sait pas vivre sans son fil d'actualité des réseaux sociaux, elle aimerait être une influenceuse à la mode, celle sur qui on prend exemple, comme Jade aux millions d'abonnés. Quand celle-ci la prend sous son aile, elle y voit une chance de se faire une toute petite place au soleil. Son cœur bat pour Solal qu'importe, car Léo l'ex de Jade, s'intéresse à elle. Lui aussi va lui permettre de grimper dans cette échelle sociale virtuelle. Sauf que Léo qui aime en réalité la douce Emma est manipulé par Jade en des fins plutôt obscures. 

En parallèle nous suivons Ariane, la mère de Sacha et Jérome le père de Léo. Ces deux-là ce sont rencontrés en d'autres temps, mais leurs émois ne semblent pas si différents que ceux ressentis par leurs enfants.

Tout ce petit monde arrivera-t-il a trouver un juste équilibre entre le trop et le pas assez, à regarder la vraie vie droit dans les yeux ? 

Un roman court qui se lit facilement, il peut être lu par un public jeune sans difficulté et avec plaisir. L'utilisation de la troisième personne m'a déplu par contre. Je trouve que l'emploi de ce pronom nous positionne en spectateur, diminuant l'implication. Cela le rend froid et très impersonnel. 

Les protagonistes ressemblent à mes enfants. Je mesure les conséquences de cette vie inventée virtuelle. Adulte j'en garde un certain contrôle, mais je constate que les jeunes n'en ont aucun. (la presse en témoigne tous les jours). Le personnage d'Ariane a été le plus intéressant à suivre à mon niveau. Je l'ai trouvé complexe, bien décrit et très représentatif de cette génération "entre deux". 

La perversité est à son paroxysme, son emblème : la jalousie. Un monde cruel sans empathie, de rien on devient tout pour ne repasser à rien. Des montagnes russes destructrices pour la construction du moi.

Ce n'est pas le premier roman que je lis sur ce sujet, et je suis chaque fois plus inquiète. L'auteur semble bien connaitre le sujet, d'un côté quand on est auteur on a tout intérêt à maîtriser le bienfait des réseaux sociaux. Elle a parfaitement saisi l'addiction incontrôlable, sonde les dérives et les repositionne dans une histoire - perversion sexuelle en moins - calquée sur Les Liaisons Dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos.

Chaque médaille à son revers et on peut se poser la question : le mauvais coté ne l'emporte-t-il pas sur le bon ? Peut-on réellement s'en passer quand on y a goûté ? Quel futur se dessine pour cette génération déjà accro ? Quelle est leur capacité d'adaptation de création et de survie dans le monde uniquement réel ?

Même si l'emploi de la troisième personne m'a gêné, ce roman se lit avec facilité et rapidité. A mettre entre toutes les mains, il donne une vision brute de la réalité virtuelle. Un nouveau niveau est atteint en avons nous pleinement conscience ? En tous cas il nous donne l'occasion de ne plus le nier et d'agir autrement.

Ce roman a été remporté lors de la masse critique de Babélio que je remercie ainsi que les éditions Grasset.

Petite biographie sur l'auteur : Eliette Abécassis est une femme de lettres, réalisatrice et scénariste française, et écrivaine française née en 1969.
Après des études en hypokhâgne et khâgne au lycée Henri IV à Paris, elle est admise à l'école Normale Supérieure et obtient l'agrégation de philosophie.

Bibliographie (en partie seulement) : 

- Qumran

- 2000 : La répudiée
- 2001 : Le trésor du temple suite de Qumran
- 2002 :  Mon père
- 2003 : Clandestin
- 2004 : La dernière tribu
- 2005 : Un heureux événement
- 2007 : Le Corset invisible

- 2009 : Sépharade
- 2011 : Et te voici permise à tout homme
- 2013 : Le palimpseste d'Archimède
- 2014 : Un secret du Docteur Freud
- 2015 : Alyah
- 2018 : Le Maître du Talmud

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